Duchamp à Rome, l’argumentaire
Depuis Rousseau, beaucoup de textes ayant pour thème la promenade ont été commis par des écrivains, des philosophes et des poètes : la dérive surréaliste de Nadja de Breton ou celle du Paysan de Paris d’Aragon, l’errance d’Artaud chez les Tarahumaras, les voyages des écrivains de la Beat Generation, la psychogéographie situ sont considérés aujourd’hui comme des thèmes littéraires.
Mais toutes ces tentatives de promenade dans le coeur des villes ne font généralement qu’arpenter les villes, comme le K de Kafka arpentait un château : elles sillonnent à partir d’un cadastre déjà existant. L’altermobilité des écrivains et des artistes contemporains chemine, autant que faire se peut, en respectant grilles, murets et propriétés, elle s’arrête à la porte, sans remettre en cause les raisons d’un tel arrêt, les raisons d’un tel stoppage devant la sonnette d’un particulier ou le panneau “Propriété privée”, sans prendre en compte, donc, les contingences possibles, ici & là, face à milieu clos.
L’itinéraire proposé par Réseaux des stoppages ne pourra, évidemment, pas vous pousser à détruire un mur ou à forcer une demeure, mais, pour s’approcher, autant que faire se peut, du modèle de l’oeuvre existant, vous devrez sonner aux portes des Romains, pour leur demander de passer par leur fenêtre ou un conduit d’aération, si ce conduit est proche d’une des lignes de Réseaux des stoppages reporté sur votre plan de Rome.
La question que pose Duchamp à Rome est celle-ci : Comment un Romain, une Romaine ou une institution (le terme d’institution est pris ici dans un sens large) peuvent-ils accepter de se laisser traverser ? Pour quels motifs Romains, Romaines ou institutions peuvent-ils dire : “ Oui (ou non), passez par la fenêtre du salon, si vous le voulez.” ?
C’est finalement la partie la plus difficile du cahier des charges proposé ici, mais aussi celle qui peut intéresser tel ou tel d’entre nous qui n’est pas particulièrement sensible à la ville de Rome ou à Duchamp.
Qu’est-ce qui peut entraîner un homme à ouvrir sa porte ? Comment parvenir, en fin de compte, à une forme d’hospitalité absolue ?